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Payam, un collègue à l’honneur 

25/09/2023
Payam a accepté de répondre à nos questions pour vous faire découvrir, à travers lui, l’accueil des mineurs non accompagnés dans le Pôle Dispatching du Centre d’arrivée. 

Quel est ton travail au quotidien ? 

Spécifiquement, je m’occupe des mineurs étrangers non accompagnés,j qui arrivent ici le premier jour, les primo-arrivants. Mon travail consiste à identifier chaque jeune et ses besoins, qu’il soit demandeur d’asile ou pas. Ensuite, selon leur besoin, de les orienter vers un centre d’orientation fédéral (Fedasil) ou partenaire.

Ceux qui viennent demander l’asile, viennent de l’Office des étrangers situé Boulevard Pacheco, ceux qui ne viennent pas de l’OE, sont des jeunes qui ne demandent pas l’asile, mais demandent de l’aide via des ASBL ou des travailleurs de rue, ce sont aussi parfois des jeunes qui sont amenés par la police. 

En tant que mineurs, ils ont le droit d’être conseillés et orientés, Fedasil a un mandat pour l’accueil des MENA (demandeurs d’asile ou pas!) donc ils sont amenés au Centre d’arrivée, et quand ils arrivent je les accueille. 

Les jeunes, par définition, en tant que mineurs, ne sont pas responsables d’eux-mêmes, l'État devient alors tuteur du jeune. Le temps qu’un tuteur en particulier soit désigné, l’État offre l’accueil, l’aide matérielle, à savoir le gîte et le couvert et une aide, si le jeune veut bien jouer le jeu, en respectant les règles de la vie en collectivité. 

As-tu une anecdote à nous raconter ? 

En une dizaine d’années, les anecdotes sont très nombreuses, mais je pense particulièrement à celle-ci. 

Un jour, alors que l’Office des étrangers était toujours présent au Petit-Château, un très jeune garçon d’origine camerounaise qui parlait anglais, assez jeune, de mémoire 11/12 ans, venait demander l’asile. En fait, ce jeune suspectait sa maman de vivre en Belgique, mais il n'avait en fait aucune information, pas de téléphone, pas d’adresse.

Ce jour-là, les trois services qui s’occupent des mineurs en Belgique, en termes d’autorité publique : Fedasil pour la partie accueil, l'Office des Étrangers pour l’enregistrement, et le Service des tutelles pour la prise en charge de la tutelle, ont travaillé ensemble, et ont été de très bons partenaires pour retrouver la mère de l’enfant.

L’enfant était en pleurs, à son âge, cela peut être très intimidant de se retrouver face à l’autorité d’un pays. Il était vraiment très stressé et tout le monde s’est mis autour de lui pour le rassurer, et retrouver sa maman. 

Sa maman est ensuite venue dans nos locaux, et nous nous sommes rendu compte qu’effectivement, il ne l'avait plus vue depuis des années, les retrouvailles ont été particulièrement poignantes, dans les larmes et les cris de joie. L’aspect administratif qui peut paraître froid a été bien coloré ce jour-là. 

Il n’était alors plus considéré comme un MENA, il a retrouvé sa maman, et je ne sais pas ce qu’il est devenu … Ça fait partie des anecdotes joyeuses que j’ai vécues.

Malheureusement, ça arrive peu souvent, il est parfois difficile de centraliser les informations, l’horizontalité des institutions, plein d’institutions différentes qui traitent le même dossier, cela engendre des problèmes de communication, et pour un enfant bien souvent, on ne devrait pas se permettre le luxe d’attendre, on devrait toujours faire les choses de manière rapide. 

Dans mon ancienne fonction, dans le centre de Neder-Over-Heembeek, j’ai également de très beaux souvenirs avec les résidents. Simplement des activités, nos bénéficiaires ne sont pas justes demandeurs de l’accueil, ils sont également demandeurs d’une vie sociale, d’avoir une vie, d’avoir des relations, ils sont demandeurs d’humanité, et quand on le leur offre, on se rend compte que tout se passe au mieux. Tout se passe au mieux, quand on leur donne l’essentiel à savoir des conditions de vie dignes : la possibilité de manger, d’être écouté, de participer à des activités …

Nous ne sommes bien sûr pas différents d’eux, qu’aurait-on fait à leur place ? 

Ça force l’empathie, et c’est ça qui est chouette, j’ai plein de souvenirs en dedans ou dehors du centre, des souvenirs sportifs, ou autre, où il y avait une vraie cohésion de groupe. Alors même que les tracas personnels parfois rendent compliqué d’aller au boulot, là c’est au boulot qu’on va trouver l'énergie de surmonter les difficultés du boulot lui-même, grâce aux résidents !

Qu’est-ce qui donne du sens à ton travail ? 

De ne pas vendre ma personnalité, c’est important. On oublie trop qu’on est fonctionnaire et la première chose qu’un fonctionnaire doit faire c’est fonctionner !

Pour moi, travailler pour Fedasil, c’est travailler pour l'État, on n'est pas là pour gagner de l’argent, on est un service public, on a un salaire correct, mais ce n'est pas le but en soi. Je ne travaille pas chez Fedasil pour me faire de l’argent. Je suis au service de ces gens-là, à la manière des services communaux qui sont là pour des citoyens. On est là pour les résidents, pas là pour comparer nos vies à eux, mais pour leur rendre service. 

Dire que je sauvegarde ma personnalité, c’est une manière de dire qu’on ne doit pas oublier qu’on est là, à leur service à eux, et ce n’est pas toujours facile parce que le secteur de l’asile est devenu compliqué depuis quelques années. 

Comment veux-tu conclure cette interview ? 

On est un pays accueillant, on veut permettre aux gens d’être accueillis, donnons-nous les moyens, et faisons-le, et ce n’est pas une question de collaboration avec différents services. J’ai assisté à des moments ou ça marche, quand on veut on peut.